Archives mensuelles : septembre 2023

Le mot du lundi : séditieux, adj. et n.m.

Aujourd’hui au programme : le substantif et l’adjectif qualificatif séditieux.

Cette unité terminologique qui repose essentiellement sur la notion de rébellion s’emploie de trois manières, soit en adjectif (deux acceptions proches) et en nom commun.

  • lorsque l’on parle d’une personne séditieuse, on veut dire qu’elle suscite une sédition, y prend part, se révolte ouvertement contre l’ordre établi. Elle agit de manière subversive. Ses synonymes sont aussi bien « agitateur », « factieux », que « révolté ». Exemple : « Je les peignis [les Juifs] puissants, riches, séditieux« , RACINE, Esther. II, 1*.
  • lorsque l’on parle d’une « chose » (le terme « chose » renvoyant simplement et par opposition à ce qui n’est pas une personne), séditieux signifie « qui pousse à la sédition », « qui tend à provoquer une sédition ». Il peut s’agir d’un discours, d’un mouvement, etc. Exemple : « Un auteur dont les séditieux écrits respiraient l’austérité républicaine« , ROUSSEAU.

Sources : TLFi, Dictionnaire de l’Académie française (8e édition), CNRTL.

Pour aller plus loin, consultez l’article du Littré dont voici le lien : https://www.littre.org/definition/s%C3%A9ditieux

Quant à l’étymologie de séditieux, je vous renvoie à cet article du Littré : https://www.littre.org/definition/s%C3%A9dition

Passez un bon lundi !

* RACINE, Esther (1689), pièce de théâtre à lire ou voir ou déclamer absolument !

L’entretien (texte bizarre)

            C’est à Bergen que je t’ai rencontré, une fois arrivés à Oslo, je t’aimais déjà.

            Le voyage en train interminable, la neige et les fjords… J’ai gardé chacun de tes mails, chacun de tes textos et même nos conversations sur MSN (car messenger, twitter et facebook n’existaient pas à l’époque).

            La magie n’opère plus. Tu es parti.

            En dépit des clowns surexcités que j’avale chaque matin, le brouillard de ton non-être-là ne s’est pas dissipé.

Et puis le téléphone sonne. J’ai décroché un entretien.

            Le téléphone pourtant ne sonnera plus. Tu es fiancé, marié, papa peut-être… Le téléphone obstinément se tait.

            Dans la salle d’attente, je jauge mes concurrents. Je suis la meilleure, je suis la meilleure. J’ai une véritable valeur ajoutée à leur apporter. Je pianote sur mon smartphone, j’envoie des émoticônes vomissant à tout va à mes amis. Une jeune femme a une araignée dans les cheveux. Je tente de me décrisper. Je plisse le nez. Je fronce les sourcils. Pas très efficace. A vrai dire, je me demande si le clown de ce matin était frais. Mais l’araignée est bien vivante, je ne me fais donc plus de souci. Un jeune homme aux souliers marrons me regarde avec insistance.

            On vient me chercher.

            « Présentez-vous ».

            C’était soit ça, soit « présentez-nous votre parcours ». J’aurais préféré la seconde.

            Marketeuse de formation, je me transforme tour à tour en jeune femme ambitieuse, dynamique et force de proposition, en exécutante proactive, en athlète de niveau communal, en amoureuse des causes nobles. Je perds pieds à leurs yeux quand j’évoque les petites figurines que je confectionne en pâte fimo : le lapin violet avec sa carotte est pourtant ma plus belle réussite.

            Un des membres du jury, monsieur Humin, le DRH je crois, caresse distraitement un dalmatien.

            Cela ne m’étonne pas. Ce qui m’aurait étonnée, en revanche, c’est qu’il caresse un poisson.

Le dalmatien me jauge avant de m’adresser un clin d’œil.

            J’ai finalement raté mon entretien. Le téléphone encore une fois est resté muet. J’ai reçu un courrier type : « Malgré la qualité de votre candidature, et bla et bla et bla ». Je suis certaine qu’ils ont retenu la fille à l’araignée. Les araignées, en effet, s’entendent à merveille avec les dalmatiens. J’aurais dû apporter la mienne. Mais mon araignée a choisi de rester accrochée au plafond.

            En revanche, je n’aurais sûrement pas du parler de Tisti, mon poisson rouge quand j’avais dix ans. Je lui apprenais les mathématiques. Sans grand succès, je crois. Il n’a jamais passé son capes.

            En remontant de la boîte aux lettres, j’ai déposé le courrier dans mon secrétaire et j’ai regagné ma chambre. J’y ai promené machinalement un regard circulaire, évitant soigneusement le lit.

            Pourtant, ça a fini par arriver. Le fantôme tapi sous le lit m’a fait une grimace. Demain j’enverrai de nouvelles candidatures.

Juin 2018

Gérard de NERVAL, Aurélia (1855)

L’œuvre de Gérard de NERVAL, Aurélia (1855), retranscrit l’étroite collaboration ou plus précisément la cohabitation entre le rêve et la vie. Ainsi Nerval raconte ses rêves, ses hallucinations, lui qui fut interné en 1841 et se suicida le 26 janvier 1855.

Cette œuvre m’a paru complexe, elle est très difficile à résumer. Voici toutefois quelques éléments glanés au fil des pages :

  • le soleil, la lumière versus la mort et le néant : deux topiques qui rythment Aurélia ;
  • la religion occupe une place fondamentale dans l’oeuvre ; s’il est question de Dieu et de la Sainte-Vierge, le blasphème mais surtout la question du salut sont omniprésents ;
  • l’intertextualité de même que de nombreuses références picturales sont prégnantes ;
  • Enfin, en vrac, la ville, les couleurs, les descriptions, les vêtements et le bestiaire sont des éléments à souligner.

A approfondir !

Les mots du lundi : conglobation, n.f. et expolition, n.f.

Je voulais vous parler du terme expolition lorsque je suis tombée sur un terme dont le sens est proche : conglobation.

Expolition

Jouant sur l’abondance et l’amplification, l’expolition met en valeur une pensée, un argument, par le biais de la répétition. Il s’agit précisément d’insister pour convaincre.

Voici un exemple tiré de Phèdre (1677 – Racine) :

« Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes. / Quiconque a pu franchir les bornes légitimes / peut violer enfin les droits les plus sacrés ; / ainsi que la vertu, le crime a ses degrés, / et jamais on n’a vu la timide innocence / passer subitement à l’extrême licence. / Un jour seul ne fait point d’un mortel vertueux / un perfide assassin, un lâche incestueux. »

Conglobation

Du latin conglobatio (accumulation, agglomération), conglobation consiste à accumuler, énumérer des termes semblables, mais l’idée principale ne sera énoncée qu’à la fin.

Voici un exemple issu des Caractères (1688) de la Bruyère :

« Si j’épouse, Hermas, une femme avare, elle ne me ruinera point ; si une joueuse, elle pourra s’enrichir ; si une prude, elle ne me sera point emportée ; (…) si une dévote, répondez, Hermas, que dois-je attendre de celle qui veut tromper Dieu, et qui se trompe elle-même ? »

Henry JAMES, Le fantôme locataire (1876)

Imaginez un père ayant causé la mort de sa fille, une maison tombée dans l’oubli et un étudiant en théologie bien curieux…

C’est l’hiver, la nuit tombe, le narrateur, jeune homme étudiant en théologie, marche sur une route peu fréquentée. Sur son chemin il remarque une demeure isolée qui attise bientôt sa curiosité : la maison semble abandonnée, les volets sont clos et rouillés et le jeune homme réagit immédiatement : « Cette maison est tout bonnement hantée ! »

Je ne vous en dis pas plus et vous laisse le soin de découvrir qui est le fantôme locataire du titre, quelle est son histoire et quelles sont précisément ses intentions…

Bonne lecture !

Henry JAMES, Histoire singulière de quelques vieux habits (1868)

Aujourd’hui j’ai lu une nouvelle d’Henry James intitulée Histoire singulière de quelques vieux habits, parue en 1868.

Amour, jalousie, psychologie… tout est réuni pour narrer la naissance d’une rivalité entre deux sœurs lorsqu’un homme charmant paraît. Si les deux jeunes filles entrent en une tacite compétition, c’est finalement la plus jeune, Perdita, qui séduit Arthur au détriment de sa sœur Viola.

Les traits de caractère de Viola se précisent de jour en jour après qu’elle apprend qu’Arthur s’est épris de sa sœur. Par dépit et jalousie, elle ira jusqu’à se parer du voile de mariée de Perdita…

Peu après, cette dernière, d’une constitution fragile, ne tarde pas à tomber malade. Consciente de la vanité de sa sœur, elle fait alors promettre à son époux, alors qu’elle est sur son lit de mort, de ne transmettre ses toilettes, bijoux et autres parures qu’à leur petite fille, lorsqu’elle sera en âge d’en profiter. Un serment que Viola apprend et qui la révolte, notamment lorsqu’Arthur finit par l’épouser. S’il refuse de transmettre la garde-robe à Viola qui insiste en ce sens, finalement, sous sa pression, il brise le serment fait à sa défunte femme…

Muriel SPARK, La place du conducteur (1970)

Lise, trente-quatre ans, s’apprête à partir en voyage. Elle parcourt les boutiques pour trouver une nouvelle robe. Voilà pour la scène inaugurale.

Au beau milieu d’une séance d’essayage, la vendeuse souligne la qualité intachable du tissu. Il n’en faut pas plus pour que Lise, crispée, comme offensée (pourquoi tacherait-elle sa robe ? A-t-elle l’air d’une personne qui tache ses vêtements ?) se débarrasse de la robe et quitte la boutique.

De cette première rencontre avec Lise, le lecteur en ressort d’emblée étonné et par-dessus tout intrigué. Quelle personnalité cet incipit met-il en lumière, sinon celle d’une femme aussi hystérique qu’excentrique ? Singulière, Lise suit une ligne qui paraît toute tracée.

Lise finit par trouver sa tenue, qui frise le ridicule tant elle est bariolée : une robe aux motifs improbables sous une veste à l’imprimé criant. Lise, ainsi parée, est prête à partir en voyage, qu’importent les moqueries de la rue.

Le but de son escapade ? Rencontrer un homme « de son genre », ce qui semble mal parti (sans vouloir divulgâcher l’histoire… qui de toute manière ne peut être divulgâchée). Le lecteur suit Lise au fil de ses rencontres, toutes plus hautes en couleur les unes que les autres. L’impression qui domine par ailleurs : tout semble joué depuis le commencement.

A la lecture de ce court roman, un adjectif n’a cessé de traverser mon esprit : « barré ». Cette femme est barrée. Cette histoire est barrée. Je me suis également interrogée : ne peut-on pas y voir une vague corrélation avec le théâtre de l’absurde ? ; je pense notamment à la Cantatrice chauve (1950) de Ionesco, tant les échanges dans ce roman me paraissent hors du temps, hors de toute raison. Inconcevables. Alors que les propos des personnages se heurtent les uns aux autres, se dessine une impossibilité d’entrer véritablement en contact. Aussi l’absurde se crée précisément à travers la déconstruction du dialogue.