Archives mensuelles : mars 2024

Cécile COULON, La langue des choses cachées (2024)

Récemment j’ai lu La langue des choses cachées de Cécile COULON, publié aux éditions L’Iconoclaste (j’ai pour cette maison d’édition un intérêt croissant).

(image Babelio)

4e de couverture

À la tombée du jour, un jeune guérisseur se rend dans un village reculé. Sa mère lui a toujours dit :  » Ne laisse jamais de traces de ton passage.  » Il obéit toujours à sa mère. Sauf cette nuit-là.

Ce que j’en pense

Le personnage principal (le fils) tient de sa mère (la mère) des pouvoirs : il est guérisseur. Alors que sa mère ne peut plus se rendre au chevet d’un malade, il doit la remplacer et entreprend ce voyage seul.

A son arrivée au Fond du Puits il est accueilli par un prêtre…

… Chaque page m’a offert l’urgence de continuer ma lecture. L’écriture confine à la poésie, les évènements narrés sont percutants, ce livre est un conte, un conte qui hésite entre le noir et le gris foncé, et d’une époque qu’on ignore.

Les personnages sont peu nombreux, les dialogues rares, l’atmosphère tendue. Ce roman aborde d’une manière tout en subtilité la culpabilité, la mémoire, la puissance, la vengeance.

D’abord curieuse, je me suis prestement laissé happer par l’histoire, j’ai ressenti de l’angoisse, de la peur, j’ai été bouleversée, dérangée, et ce par-delà l’envie de plus en plus forte de connaître la fin de ce roman.

J’aurais aimé que ce roman – mais n’est-il pas un conte ? – soit encore plus long pour ne pas le refermer, j’aurais alors aimé ne jamais le terminer, et suivre ainsi longtemps encore les pas du fils ; il demeure alors en moi la possibilité d’imaginer le retour du fils auprès de sa mère, le réveil de l’homme aux épaules rouges, et je frissonne à cette pensée. La langue des choses passées est un roman pressant autant que puissant. Une pépite.

DUMAS, Alexandre, La Dame pâle (1849)

Voici la 4e de couverture

« Texte extrait du recueil des Mille et Un Fantômes

Au cœur des Carpathes, dans le sombre château de Brankovan, les princes Grégoriska et Kostaki, s’affrontent pour conquérir la belle Hedwige. Or Kostaki est un vampire qui revient chaque nuit assouvir sa soif de sang auprès de la jeune femme devenue l’objet d’une lutte sans merci entre les deux frères.
Une étrange histoire pleine de romantisme et de fantastique où l’angoisse le dispute au romanesque… »

Ce que j’en retiens

Un texte incroyable, à lire à la lumière de la narratologie puisqu’il s’agit d’un récit enchâssé dans un premier récit qui l’englobe. Racontée par la dame pâle, l’histoire mêle action, effroi, fantastique… Même si l’on connaît le résumé, la figure surgissante du vampire crée son effet et suscite à la fois crainte et horreur. Un texte incontournable à lire et à explorer ! J’ai adoré.

TOURGUENIEV, Ivan, Le Journal d’un homme de trop (1850)

4ème de couverture

Extrait de Romans et nouvelles (Bibliothèque de la Pléiade)

« Le printemps, le printemps arrive ! Je suis assis sous ma fenêtre et mon regard, par-delà la rivière, va se perdre dans les champs. Ô nature ! Nature ! Je t’aime si fort, et pourtant je suis sorti de tes entrailles incapable même de vivre. Tiens, un moineau mâle qui sautille, les ailes écartées ; il crie, et chacune des notes de sa voix, chacune des petites plumes ébouriffées de son corps minuscule respire la santé et la vigueur…
Que faut-il en déduire ? Rien. Il est sain, il a le droit de crier et d’ébouriffer ses plumes ; et moi je suis malade, et je dois mourir, c’est tout. »

Un récit crépusculaire et contemplatif, sous forme de journal intime, par la grande plume russe de Premier amour.

Ce que j’en pense

J’ai lu ce récit, d’abord avec quelque ennui, mais je me suis rapidement attachée au narrateur, j’ai suivi sa non-histoire d’amour avec un intérêt croissant : des sentiments, des regards, des pommettes qui rosissent face à un être aimé… jusqu’au duel.

Le narrateur souffre, il se méprend sur les intentions d’une jeune femme, il connaît humiliations sur humiliations. Il se sent banni de la société. Il souffre, disais-je, il s’interroge, revient sur ses propos, et ne voit dans la mort qu’un ultime repos.

A la lecture du Journal d’un homme de trop, j’ai ressenti des émotions telles que celles connues il y a plusieurs années lorsque j’ai lu Les Souffrances du jeune Werther de GOETHE. De la figure de l’oiseau aux affres de l’amour déçu, outre un statut déchu, ces deux récits sont également rédigés sous forme de journal.

« Ma situation était particulièrement absurde : je me taisais obstinément, il m’arrivait de ne pas prononcer une syllabe pendant des jours entiers. Je ne me suis jamais distingué par mon éloquence, comme je l’ai dit plus haut ; mais maintenant, tout ce que j’avais d’esprit s’en allait aux quatre vents en présence du prince, et je restais le bec dans l’eau. En outre, une fois seul, j’obligeais ma pauvre cervelle à se donner tant de mal pour repasser lentement tout ce que j’avais pu remarquer ou surprendre au cours de la précédente soirée, que lorsque je retournais chez les Ojoguine, il me restait tout juste assez de force pour reprendre ma surveillance. »

Tout au long de ma lecture, je me suis demandé pourquoi, de quoi, comment le narrateur envisageait la mort. Selon lui, au tout début, le docteur se trahit lors d’une consultation et conforte le narrateur dans son assurance d’une mort imminente. Dès lors, de quoi mourra-t-il ? C’est l’une des interrogations qui subsiste en moi depuis que j’ai refermé ce livre.