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A propos de moi

Bonjour et bienvenue sur Paronomasesethyperbates.fr !

Littéraire jusqu’au bout des ongles, j’ai 42 ans, je suis doctorante en lettres modernes et j’ai validé une formation en correction. En vrac, ayant aussi fait une école de commerce dans une autre vie ;), j’ai été correctrice freelance, chargée de promotion, chargée de recherches, professeur particulier de français et répétitrice et enfin rédactrice, notamment d’analyses littéraires ! Je suis actuellement agent du patrimoine en médiathèque.

J’entends créer du contenu pédagogique pour vous qui étudiez la langue française et la littérature : décryptage de concepts, analyses littéraires, coups de cœur divers et un soupçon de théorie.

Je vous propose deux rendez-vous hebdomadaires autour de mes lectures et de mes réflexions: je posterai ainsi le lundi et le jeudi.

Bonne lecture au fil de la construction de Paronomases et hyperbates, n’hésitez pas à laisser des commentaires, j’ai hâte de faire votre connaissance !

Où quelques mots suffisent pour créer des images (oui, le propre de la poésie)

« (…) La grâce dérobée des fleurs.

Parce qu’elles s’inclinent sous leur propre poids, certaines jusqu’à terre, on dirait qu’elles vous saluent, quand on voudrait les avoir soi-même, le premier, saluées.

Ainsi groupées on dirait une figure de ballet (…). »

Plus loin :

« (…) Elles s’ouvrent, elles se déploient, comme on voudrait que le fassent le temps, notre pensée, nos vies.

L’ornement, l’inutile, le dérobé

Saluez ces plantes, pleines de grâce

Parure, vivante, brièveté changée en parure, fragilité faite parure

Avec ceci de particulier, sinon de plus, qu’elles pèsent, qu’elles s’inclinent, comme trop lasses pour porter leur charge de couleur. Quelques gouttes de pluie et ce serait l’éparpillement, la défaite, la chute (…) ».

Et finalement :

« (…) Elles n’auront pas duré (…) ».

Cette citation est extraite du poème « Les Pivoines », lui-même extrait de l’ensemble « Après beaucoup d’années » (JACCOTTET, Philippe, Cahier de verdure suivi de Après beaucoup d’années, Gallimard, 1994).

De la difficulté de finir un roman

Je n’énoncerai probablement que des banalités à ce sujet, qui mériterait pourtant d’être plus fouillé, approfondi, je vous l’accorde. C’est ici que les banalités débutent : certains romans nous marquent plus que d’autres. Des personnages attachants, sympathiques, hauts en couleur, qui nous ressemblent, ou en revanche ne nous ressemblent pas du tout, sur lesquels on se projette… La liste est longue pour expliquer ce phénomène.

Dans les Belles images par exemple, je me suis tellement attachée à l’héroïne, Laurence, fragile et forte à la fois, que je n’osais commencer un autre roman dans la foulée. C’est la même chose pour L’autre qu’on adorait de Catherine Cusset que j’ai lu en une journée. Je pourrais multiplier les exemples comme des paramécies. De manière générale, je veux rester imprégnée du précédent roman, y réfléchir, le feuilleter et le re-feuilleter, voire parfois, imaginer une autre fin…

Et vous, que pensez-vous de cet état latent qu’on aimerait voir se prolonger ?

Par ailleurs, j’ai oublié de vous apporter une précision à propos des Belles images : à relire à la lumière de l’ouvrage de Dorrit Cohn, La Transparence intérieure, une pépite que j’ai déjà évoquée.

Par ailleurs n°2, en ce moment je lis Ecoute les murs parler de Ixchel Delaporte, c’est passionnant – mais j’approche de la fin :(.

Bonne soirée !

L’entretien (texte bizarre)

            C’est à Bergen que je t’ai rencontré, une fois arrivés à Oslo, je t’aimais déjà.

            Le voyage en train interminable, la neige et les fjords… J’ai gardé chacun de tes mails, chacun de tes textos et même nos conversations sur MSN (car messenger, twitter et facebook n’existaient pas à l’époque).

            La magie n’opère plus. Tu es parti.

            En dépit des clowns surexcités que j’avale chaque matin, le brouillard de ton non-être-là ne s’est pas dissipé.

Et puis le téléphone sonne. J’ai décroché un entretien.

            Le téléphone pourtant ne sonnera plus. Tu es fiancé, marié, papa peut-être… Le téléphone obstinément se tait.

            Dans la salle d’attente, je jauge mes concurrents. Je suis la meilleure, je suis la meilleure. J’ai une véritable valeur ajoutée à leur apporter. Je pianote sur mon smartphone, j’envoie des émoticônes vomissant à tout va à mes amis. Une jeune femme a une araignée dans les cheveux. Je tente de me décrisper. Je plisse le nez. Je fronce les sourcils. Pas très efficace. A vrai dire, je me demande si le clown de ce matin était frais. Mais l’araignée est bien vivante, je ne me fais donc plus de souci. Un jeune homme aux souliers marrons me regarde avec insistance.

            On vient me chercher.

            « Présentez-vous ».

            C’était soit ça, soit « présentez-nous votre parcours ». J’aurais préféré la seconde.

            Marketeuse de formation, je me transforme tour à tour en jeune femme ambitieuse, dynamique et force de proposition, en exécutante proactive, en athlète de niveau communal, en amoureuse des causes nobles. Je perds pieds à leurs yeux quand j’évoque les petites figurines que je confectionne en pâte fimo : le lapin violet avec sa carotte est pourtant ma plus belle réussite.

            Un des membres du jury, monsieur Humin, le DRH je crois, caresse distraitement un dalmatien.

            Cela ne m’étonne pas. Ce qui m’aurait étonnée, en revanche, c’est qu’il caresse un poisson.

Le dalmatien me jauge avant de m’adresser un clin d’œil.

            J’ai finalement raté mon entretien. Le téléphone encore une fois est resté muet. J’ai reçu un courrier type : « Malgré la qualité de votre candidature, et bla et bla et bla ». Je suis certaine qu’ils ont retenu la fille à l’araignée. Les araignées, en effet, s’entendent à merveille avec les dalmatiens. J’aurais dû apporter la mienne. Mais mon araignée a choisi de rester accrochée au plafond.

            En revanche, je n’aurais sûrement pas du parler de Tisti, mon poisson rouge quand j’avais dix ans. Je lui apprenais les mathématiques. Sans grand succès, je crois. Il n’a jamais passé son capes.

            En remontant de la boîte aux lettres, j’ai déposé le courrier dans mon secrétaire et j’ai regagné ma chambre. J’y ai promené machinalement un regard circulaire, évitant soigneusement le lit.

            Pourtant, ça a fini par arriver. Le fantôme tapi sous le lit m’a fait une grimace. Demain j’enverrai de nouvelles candidatures.

Juin 2018