Archives pour la catégorie Littérature

Cécile COULON, La langue des choses cachées (2024)

Récemment j’ai lu La langue des choses cachées de Cécile COULON, publié aux éditions L’Iconoclaste (j’ai pour cette maison d’édition un intérêt croissant).

(image Babelio)

4e de couverture

À la tombée du jour, un jeune guérisseur se rend dans un village reculé. Sa mère lui a toujours dit :  » Ne laisse jamais de traces de ton passage.  » Il obéit toujours à sa mère. Sauf cette nuit-là.

Ce que j’en pense

Le personnage principal (le fils) tient de sa mère (la mère) des pouvoirs : il est guérisseur. Alors que sa mère ne peut plus se rendre au chevet d’un malade, il doit la remplacer et entreprend ce voyage seul.

A son arrivée au Fond du Puits il est accueilli par un prêtre…

… Chaque page m’a offert l’urgence de continuer ma lecture. L’écriture confine à la poésie, les évènements narrés sont percutants, ce livre est un conte, un conte qui hésite entre le noir et le gris foncé, et d’une époque qu’on ignore.

Les personnages sont peu nombreux, les dialogues rares, l’atmosphère tendue. Ce roman aborde d’une manière tout en subtilité la culpabilité, la mémoire, la puissance, la vengeance.

D’abord curieuse, je me suis prestement laissé happer par l’histoire, j’ai ressenti de l’angoisse, de la peur, j’ai été bouleversée, dérangée, et ce par-delà l’envie de plus en plus forte de connaître la fin de ce roman.

J’aurais aimé que ce roman – mais n’est-il pas un conte ? – soit encore plus long pour ne pas le refermer, j’aurais alors aimé ne jamais le terminer, et suivre ainsi longtemps encore les pas du fils ; il demeure alors en moi la possibilité d’imaginer le retour du fils auprès de sa mère, le réveil de l’homme aux épaules rouges, et je frissonne à cette pensée. La langue des choses passées est un roman pressant autant que puissant. Une pépite.

Ivan TOURGUENIEV, Clara Militch (1883)

Je viens de finir de lire Clara Militch, une nouvelle écrite par Ivan TOURGUENIEV en 1882 puis publiée en 1883.

Voici la 4e de couverture

Lorsque Jacques Aratov rencontre Clara Militch, une jeune et talentueuse actrice, il est troublé, ému.
Mais les mois passent et il ne pense plus guère à elle, jusqu’au jour où il apprend qu’elle s’est suicidée. Commence alors pour Aratov une quête amoureuse et désespérée sur les traces de Clara Militch pour comprendre son geste…

Une incroyable et bouleversante histoire d’amour par-delà la mort.

Mon résumé

Que dire de plus ? Que quelques regards égarent un jeune homme, Aratov ? Qu’il fait la rencontre éphémère avec une actrice, Clara ? Tout est dit, et pourtant on a envie de comprendre et de s’interroger sur ce qui marquera, à l’insu du personnage, son existence jusqu’à la mort. Car son enquête pour comprendre le geste de désespoir de Clara le mène finalement à une sorte de folie, mais une folie souriante, une folie heureuse, suivie d’une mort heureuse.

Mon avis

J’avoue que cette nouvelle m’a d’abord fait penser aux écrits fantastiques, et pourtant je crains de passer à côté de la beauté de ce texte si je l’enferme dans une catégorie. C’est une histoire d’amour impossible que raconte le narrateur, mais dans quelle diégèse l’amour ne peut-il pas être possible ? J’ai beaucoup aimé cette lecture, le style est fluide, les personnages attachants. La mort y est présentée comme un instant nécessaire, une belle et lumineuse suite de ce qu’aura été la vie.

C’est là une magnifique nouvelle, qu’on lit d’une traite et qui laisse le lecteur mi-éberlué, mi-apaisé…

SINNO, Neige, Triste tigre (2023)

Quelques mots sur Triste tigre, un roman témoignage dans lequel l’autrice-narratrice raconte les viols qu’elle a subis par son beau-père.

Des passages sont crus, le tout est bouleversant.

La voix de la petite fille se mêle à celle de l’adulte qu’elle est devenue.

Un élément qui m’a interpellée : les nombreux éléments d’intertextualité (c’est-à-dire des références à d’autres écrits).

Je crains d’être maladroite dans cette chronique. Aussi je vous enjoins à lire Triste tigre.

Six mots néanmoins : un roman-choc, un roman fort.

DELAUME, Chloé, Pauvre folle (2023)

C’est à travers une écriture très particulière que Clotilde raconte son histoire d’amour avec Guillaume. Elle est dans le train pour Heidelberg et laisse défiler ses souvenirs tels les paysages à travers la vitre.

La mère de Clotilde a été assassinée par son époux, le père de Clotilde donc, Clotilde est bipolaire, Guillaume est homosexuel et a désormais un petit ami.

Pourtant Clotilde échange avec Guillaume, la Reine et le Monstre sont omniprésents dans sa vie, dans sa tête. Ils s’écrivent, donc, et Clotilde espère-t-elle ?

Un roman qui aborde une histoire d’amour révolue car impossible, écrit dans un style parfois complètement fou : Clotilde extrait de sa tête d’une façon qui paraît concrète des éléments de son existence.

Un roman qui pourrait être des plus douloureux mais que la narratrice parvient à sublimer avec finesse et à grand renfort de distanciation davantage que de dissociation.

Dans ce roman j’ai appris le terme « forclusion », mécanisme psychique introduit par Lacan pour définir un rejet psychologique. Le sujet, en l’occurrence Clotilde, rejette donc des évènements et autres éléments insupportables avant de les intégrer. Tout ceci inconsciemment.

Je vous ai déjà parlé de La Transparence intérieure de Dorrit Cohn, je vous propose de lire Pauvre folle à la lumière de cet ouvrage.

USAMI Rin, Idol

Je viens de lire un roman de l’autrice japonaise USAMI Rin, Idol.

On y suit les pensées d’une jeune fille, Akari, fan d’un musicien dont elle collectionne les photos, les CD et tous les objets dérivés possibles.

Le lycée, ses relations avec ses parents et sa sœur, la vie quotidienne en somme l’ennuient à défaut de la faire rêver. Elle se réfugie alors dans le fandom

Sa vie bascule lorsque son idole frappe une fan, puis disparaît de la scène musicale.

Quand on a tout visé sur une personne, comment s’en sortir lorsque l’inacceptable se produit ? Une vie par procuration laisse alors le champ libre à la vie réelle :

« C’est comme ça que j’allais vivre. En rampant à quatre pattes. » (p.140)

Personnellement je n’ai pas été enthousiasmée par ce roman qui m’a semblé plutôt plat. J’attends vos commentaires sur vos lectures !

Elisa SAGNELONGE, Une autre vie (2022)

L’une s’appelle Marie, l’autre se prénomme Jade. La première est professeure de français, la seconde est son élève.

Marie rêve à tout prix de connaître le succès en tant qu’écrivaine, mais elle ne parvient pas à écrire, ce depuis la publication d’une nouvelle des années auparavant. Jade quant à elle est une adolescente solitaire, mal dans sa peau ; elle écrit par ailleurs des textes prometteurs qu’elle fait lire à Marie. Si cette dernière apprécie ses récits outre la confiance que lui accorde l’adolescente, elle s’éloigne peu à peu, la rejette, par jalousie, par l’incoercible constat qu’elle est et demeurera dans l’ombre de son élève : Jade a un style alerte, une verve inimitable que Marie n’aura jamais.

Et puis survient le succès, auquel se mêlent une rencontre amoureuse, mais aussi des angoisses, et le suicide de Jade.

Que s’est-il passé ? Et jusqu’où ira Marie pour vivre son rêve jusqu’au bout ?

Quel que soit l’enjeu, dans quelle mesure peut-on, humainement, accepter l’inacceptable ?

Bonne lecture !

Kazuo ISHIGURO, Klara et le Soleil (2021)

J’ai tout récemment lu Klara et le Soleil de Kazuo Ishiguro. Après Auprès de moi toujours, la barre était haute. J’ai simplement adoré.

Il s’agit d’abord d’intelligence artificielle : Klara, une « AA », une Amie Artificielle, attend dans la vitrine d’un magasin d’être choisie. Elle observe les passants et guette le soleil qui lui apporte ses nutriments essentiels. Jusqu’au jour où une jeune fille la remarque en vitrine et lui promet de revenir la chercher, bien que sa mère paraisse dubitative : elle préfèrerait pour sa fille un modèle plus récent, plus sophistiqué. La promesse est toutefois tenue, et Klara va accompagner dans sa vie quotidienne Josie, cette jeune fille maladivement fragile.

Klara n’est pas vraiment décrite, son apparence est laissée à l’imagination du lecteur. En revanche elle se révèle sensible au point d’entreprendre une action étrange avec l’aide de l’ami de Josie, Rick, afin que Josie guérisse.

Dans Klara et le Soleil, il est question de relation mère-fille, de l’emprise de la mère qui fomente un étrange projet, il y a des non-dits, notamment sur la mort de la grande sœur de Josie ; sont abordés également l’amitié, le dévouement, le pouvoir : l’Amie Artificielle, qui se tient toujours à disposition des humains, légèrement en retrait, ne demeure-t-elle pas un objet que l’on manipule à sa guise ?

Je ne vous en dis pas plus, lisez-le, c’est une histoire magnifique empreinte d’émotion et d’une beauté simplement magique.

Sylvia PLATH (1932-1963)

Sylvia PLATH est une autrice américaine du XXe siècle. Romancière (La Cloche de détresse), poète, elle écrivit également des nouvelles, des contes, des essais et tint un journal intime assidûment avant de se suicider en février 1963.

Son œuvre, où s’incarne un univers mortifère, est marquée par le vide et la mélancolie.

Quelques unes des œuvres de Sylvia Plath

  • The Colossus (1960)
  • The Bell Jar (1963)
  • Ariel (1965)
  • Winter trees (1971)
  • Crossing the Water (1971)

Les thèmes récurrents

Les thèmes que Sylvia Plath aborde sont essentiellement l’accès des femmes à l’indépendance ainsi que la santé mentale (elle-même a notamment souffert de dépression au début de sa vie d’adulte), la sexualité, la mort ainsi que le suicide.

Sa poésie est très personnelle, on la qualifie de poésie confessionnelle. Les émotions, les sentiments, les idées souvent sombres sont ainsi mis en exergue. Quant à son roman, la Cloche de détresse, il est semi-autobiographique puisqu’il relève de la fiction auxquels s’ajoutent des éléments significatifs de la vie de l’autrice.

Son rapport à l’écriture

Si Sylvia Plath ressent le besoin impératif d’écrire, elle se dit aussi « pétrifiée » par l’écriture. Se mêlent alors à la fois « l’appréhension parfois de ne pas écrire » (NEAU, Françoise), et celle d’écrire.

Notons que lorsqu’elle est enseignante, elle manque de temps à consacrer à l’écriture ce qui engendre chez elle une grande frustration.

Sylvia Plath est par ailleurs obsédée par la notion de souvenir, pour elle l’écriture passe nécessairement par le souvenir, il s’agit de « recréer la vie vécue, la renouveler » (citation extraite du journal de Sylvia Plath et reprise par NEAU, Françoise).

Il convient, enfin, de souligner le travail d’écriture par rapport à la thématique obsessionnelle du vide chère à Sylvia Plath ; il s’agit bien pour elle d’un travail, d’un « labeur pour combler le vide » (NEAU, Françoise, p.101), toujours guidé par son exigence de perfection.

Bibliographie

NEAU Françoise, « Sylvia Plath et l’urgence d’écrire », Libres cahiers pour la psychanalyse, 2014/2 (N° 30), p. 93-112. DOI : 10.3917/lcpp.030.0093. URL : https://www.cairn.info/revue-libres-cahiers-pour-la-psychanalyse-2014-2-page-93.htm

NEAU Françoise, « « Vivre et écrire » dans les Journaux de Sylvia Plath », Le Coq-héron, 2014/4 (n° 219), p. 98-104. DOI : 10.3917/cohe.219.0098. URL : https://www.cairn.info/revue-le-coq-heron-2014-4-page-98.htm

MORENCY, C. (2012). Compte rendu de [La part glorieuse de Sylvia Plath /
Œuvres. Poèmes, romans, nouvelles, contes, essais, journaux de Sylvia Plath,
Gallimard, 1 284 p.] Spirale, (241), 68–70.