Françoise SAGAN, Bonjour tristesse (1954)

Avant-hier j’ai eu envie de relire ce roman de Françoise Sagan qui m’avait déjà beaucoup plu il y a plus de… vingt ans !

La narratrice

La narratrice raconte une histoire passée, qui lui appartient et qu’elle se remémore avec quelque amertume : « J’avais dix-sept ans ». Narratrice autodiégétique, s’exprimant à la première personne du singulier, elle est ainsi l’héroïne de son propre récit.

Elle s’appelle Cécile, elle a donc dix-sept ans et passe des vacances d’été avec son père et Elsa, la maîtresse de ce dernier.

Cécile qui a retrouvé son père à sa sortie de pension deux ans plus tôt, parle alors d’elle-même comme le « jouet » de son père. Elle est sa distraction, son divertissement :

« Je ne connaissais rien, il allait me montrer Paris, le luxe, la vie facile » (p.27)

Outrer l’argent, les dépenses, elle mentionne les « plaisirs faciles », précisant par ailleurs que « le goût du plaisir, du bonheur représente le seul côté cohérent de [s]on caractère ».

Cécile pourrait être considérée simplement comme superficielle. Mais son personnage est plus complexe, plus riche. Parce qu’elle évolue au fil de l’œuvre, c’est un personnage « dynamique ». Par ses traits contradictoires, elle est aussi un personnage « épais », pour reprendre les termes du théoricien E.M. Forster.

Une arrivée inopinée

Alors que les trois personnages mènent une existence dominée par un certain hédonisme, l’arrivée d’une quatrième personne va bouleverser leur mode de vie.

Il s’agit d’Anne, une amie de la défunte mère de Cécile. La description de son apparition dans le salon est particulièrement symbolique :

« Je me rappelle exactement cette scène : au premier plan, devant moi, la nuque dorée, les épaules parfaites d’Anne ; un peu plus bas, le visage ébloui de mon père, sa main tendue et, déjà dans le lointain, la silhouette d’Elsa. » (p.47)

En effet, Anne apparaît rapidement comme une menace aux yeux de Cécile.

La menace

Cécile la dépersonnalise, elle la voit comme une « entité », non comme un être sensible (p.57) :

« Je n’avais jamais pensé à Anne comme à une femme. Mais comme à une entité : j’avais vu en elle l’assurance, l’élégance, l’intelligence, mais jamais la sensualité, la faiblesse… » (p.57)

Anne est à l’opposé des autres personnages. Elle est réfléchie, posée. Et pourtant le père de Cécile la demande en mariage. Cette nouvelle terrasse Cécile, qui souligne la puissance d’Anne :

« je me perdais moi-même. (…) Je mesurai sa force : elle avait voulu mon père, elle l’avait, elle allait peu à peu faire de nous le mari et la fille d’Anne Larsen. C’est-à-dire des êtres policés, bien élevés et heureux ».

La narratrice craint que son existence ne change complètement. Anne incarne une forme de sagesse, de sévérité voire d’austérité, notamment lorsqu’elle enferme Cécile dans sa chambre afin qu’elle y étudie ses cours de philosophie au lieu de rejoindre son petit ami Cyril à la plage.

« Tout cela était fini. A mon tour, j’allais être influencée, remaniée, orientée par Anne. »

À travers les propositions mises en apposition, Cécile souligne les différences qui les opposent, elle et son père, à Anne :

« Je me disais : « elle est froide, nous sommes chaleureux ; elle est autoritaire, nous sommes indépendants ; elle est indifférente : les gens ne l’intéressent pas, ils nous passionnent ; elle est réservée, nous sommes gais » » (p.72).

Un plan cruel

Dès lors, Cécile réagit. Il n’est pour elle pas question de se laisser entrainer dans un mode de vie qui ne lui correspond pas, de se laisser « voler », de voir son existence « saccagée » (p.77). Elle se rebelle et fomente bientôt un plan cruel à l’encontre d’Anne…

Nous connaissons la suite. Le plan fonctionne, il fonctionne même trop bien.

Et puis le temps passe. À la rentrée, à Paris, la vie reprend son cours, les rencontres, les sorties. Seul perdure chez Cécile un sentiment qu’elle appelle « tristesse », ou n’est-ce pas plutôt le remords, accompagné de son lot de réminiscences : « ma mémoire parfois me trahit : l’été revient et tous ses souvenirs » (p.154) ?

Bonne lecture !

Françoise SAGAN, Bonjour tristesse, éditions Julliard, 1954.

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